LES ENFANTS

Que nous veulent mon Dieu, cette vieille en colère
Et ces hommes vêtus de noir ?
J'ai peur car il me semble voir
Que de leurs yeux sur nous tombe un regard sévère.

LA VIEILLE

Enfants, d'où venez-vous ? Où courez-vous ainsi ?
Et qui vous a permis de passer près d'ici ?

LES ENFANTS

Pitié pour la peine cruelle
De deux pauvres enfants qui depuis ce matin,
Loin de la maison paternelle,
Ne peuvent dans la nuit retrouver leur chemin !

LA VIEILLE

Ce n'est pas le côté par où ce chemin passe,
Au contraire, car plus on s'approche de nous
Plus il est malaisé d'en retrouver la trace.
Mais le cas est prévu par intérêt pour vous.

Chez nous est votre place ; enfants, nul n'a licence
Sans notre bon plaisir de gravir ce sentier,
Dont chaque degré marque un pas dans la science.
Cest un beau privilège et nous l'avons entier.

LES ENFANTS

Mais nous vous l'avons dit, nous nous sommes perdus !

LA VIEILLE

Alors, contez-moi donc toute votre aventure.

LES ENFANTS

Vers un coin de ciel bleu, perçant la voûte obscure,
Les yeux fixés, du vent nous écoutions la voix
Qui s'approche et grandit, puis s'apaise et murmure,
Et va se perdre au loin dans le profond des bois.

Et nous ne pensions plus que, des monts descendue,
L'ombre à grands pas marchait vers le déclin du jour ;
Du sentier conducteur la trace était perdue,
Quand nous songeâmes au retour.

L'aubépine piquante et le rosier sauvage,
Entrelaçant leurs bras nous barraient les chemins,
Et faisaient payer cher l'inutile passage
A grand' peine frayé par nos sanglantes mains.

Puis quand la lune vint, à sa clarté mouvante
Si quelque arbre géant dressait son profil noir,
D'un fantôme on eut dit la tête menaçante
Qui se penchait pour mieux nous voir
.

LA VIEILLE

Enfants, c'est bien, entrez, ces murs sont ma demeure,
Où je tiens à la fois caserne et garnison.
Défense d'en sortir avant d'atteindre l'heure
Où savammant guéri de toute illusion
D'idéal et de foi qui séduit et qui leurre,
Nul ne croit plus à rien qu'à sa propre raison.

 

                                                      Louis Janmot in "Le Poème de l'âme"

    
   
                   Le mauvais sentier par Louis Janmot

 

 

 

 



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