

Abou
Simbel
les
chants d'Ialou
Naos
à Edfou
un
manteau douillet
avec
une écharpe
un
jour de grand froid
un
jour nous ont fui
un
jour sont partis
leurs
mines blêmes
et
d'argent superbe
jusqu'au
Nil
j'ai
dormi trois millénaires
sur
l'île éléphantine
au
pied du temple bas
la
chambre des pyramides
ô
vert Pharaon
où
sont tes guerriers bleus
ô
divinité lunaire
Déesse
chatte
animal
sacré
allonge
tes yeux d'amande
au
moyen de koheul
calcaire
peint
aux
yeux incrustés
je
sais que pour du vert
il
faut un bleu jauni
cornaline
et turquoise
lapis-lazuli
les
bleus sont blanc et noir
on
ne les revernira jamais
j'ai
dormi
sur
la pierre basse
sommeil
sourd
j'ai
renoué les heures
changeantes
du sable
un
marteau douillet
avec
une écharde
un
jour de sang froid
la
mer qui tourbillonne
recèle des remords
que les ancres marines
peignent quand tombe la nuit
et que les mariniers
rentrent en sifflotant
une chanson d'amour
qui dit qu'avec le temps
nous manquerons de courage
tandis qu'il fait si froid
au fond de ce grand lit
ce pays est petit
et ses routes trop longues
lassent mes insomnies
que le roulis d'un train
ne peut plus égayer
et que l'amour taquine
comme un enfant gâté
les âmes éperdues
manqueront de sagesse
pour continuer leurs routes
sur les dunes de sable
où nous avons enfoui
chacune des syllabes
de je te garderai
et nous irons ensemble
la vie m'a peu donné
pour suivre cette route
mes jambes sont bien lourdes
et mon esprit naïf
pour croire à ces sourires
que fait souvent grand-mère
qui m'a laissé grandir
et qui voit tout en moi
comme un paquet de poste
que l'on envoie là-bas
les mots quand ça déboule
c'est peut-être le cœur
qui parle ou qui vomit
d'avoir trop de tangage
quand le soleil couchant
s'en va déraisonnant
il est de braves gens
pour me dire attention
ne fatigue pas tes yeux
un jour tu seras vieux
il est déjà trop tard
pour croire aux incurieux
qui lisent dans nos mains
quelques lignes coupées
moi je lis sur les arbres
et j'y ai vu ton nom
tout à côté du mien
ou peut-être au-dessus
ou peut-être trop loin
le couteau que je tiens
tranchera si je veux
ce nom sur mon poignet
pour qu'il y ait un coupable
pour qu'il puisse m'aider
à mentir aux enfants
qui me voient pleurnicher
que ma vie est si belle
quand elle est dans ta main
j'ai
reconnu les objets du monde
au
pied de nos pilastres
au
lever du soleil
couché
sur nos tables
j'ai
reconnu les objets du monde
d'un
disque ouvert à l'infini
j'ai
embrassé ta peau primitive
terre
vieille de mes ancêtres
j'ai
couru nu vers les aubes
j'ai
reconnu les objets du monde
en
ce champ intérieur
j'en
ai donné l'illusion
sans
nuit ni crépuscule
je
les ai conduits vers l'homme
triptyque du monde
j'ai
reconnu les objets du monde
j'ai
vu le jour sous le millénaire
j'ai
prêté illusion au conteur
j'ai
donné sourire au singe-lion
c'était
là la frontière
la fissure au monde
nous avions accédé
à l'autre parallèle
privilégiés
loin de leurs corps
loin de nos corps
nus
libres
et pourtant nous étions habillés
muets
paralysés de tout acte
et pourtant
quelque chose comme un cœur s'était emballé
la volonté d'entrer en contact
et la peur
d'un échec violent
d'une impossibilité
nous avons tout juste profité
de ce temps hors du temps
ma
chemise sur la chaise
tout derrière la lampe du bureau
en un soleil couchant
quelque part les pyramides de Guizèh
comme un voyage de noces
un grand coussin pour dormir
un creux d'épaule douillet
une fièvre intérieure
comme quand la tête te tourne
et le silence tombe
pareil à la neige en hiver
quand on se recouvre d'une couverture
je pense à toi
c'est
ta peau longtemps
c'est du soir sur ton corps
c'est ton cœur s'arcboutant
tes cheveux rivière dorée
un
lieu dans le monde
où l'avril enchanté
rencontre l'amour
sous les cils d'une
tes
fins cheveux bouclés
ta bouche qui m'a bu
ta nuque parfumée
tes aisselles qui suent
tes seins et ma sueur
ton nombril mystérieux
tes violines en fleur
ton repli vertueux
ô totem de l'amour
figure de fantasme
et bel objet tabou
je jetterai ton âme
au rythme des tambours
dans les feux de l'enfer
ton corps rugissant sous
l'œil
dressé de ton père
jeu
de l'amour
silence après la morsure
et toujours après
les peaux qui se tendent
et quelque chose qui fait
que cela s'accélère
les images les mots
enfin l'extension
le prolongement
de l'un dans l'autre
d'un rien comme d'un tout
les ongles qui drainent
les yeux qui plissent
l'amnésie
te
regarder
comme on regarde une image sublime
ta présence légère
ta présence comme un souvenir heureux
un rayon de soleil brûlant
sur le lit défait
un sourire accroché au temps
un sourire de dents blanches
blanches comme la pureté
comme ta peau en hiver
comme les draps du lit d'un souvenir heureux
brûlant
souvenir de notre muse mon poteau
celle que nous regardions tous deux avec candeur
nous pauvres chiens
traînant à nos colliers le grelot de nos songes
saltimbanques au seul but de la faire rire
poètes bleus au seul but de l'émouvoir
nous presque perfides
pour avoir une place plus grande dans son cœur
[...]
une
clé d'argent
au bracelet d'un corail bleu
deux flacons vides et pleins
d'un flot de souvenirs
des habits sur une chaise
aux grâces de saule pleureur
un horus noir
un toucan gris
une lampe de chevet
en lumière de pleine lune jaune
un grand lit défait
de draps blancs à marée basse
ici finit la piste
 |